L’égalité devant l’éducation est un des piliers fondateurs de notre République. Elle est aujourd’hui mise à mal. Depuis de longues années, la présence des services publics est remise en cause, surtout en milieu rural, et l’école n’échappe pas à cette réalité.
Après la fermeture systématique des écoles à classe unique, qui sont passées en 20 ans de 25 000 à moins de 4 000, une politique de regroupement des petites écoles sous différentes formes a été menée à marche forcée.
La fracture territoriale et sociale, que la France déplore depuis tant d’années, s’est ainsi matérialisée entre « l’école des villes » et « l’école des champs ».
Les spécificités de l’école rurale et ses atouts ont été gommées et balayées par une vision soit comptable, soit technocratique de l’Éducation nationale.
Or, en traitant de manière mécanique et uniforme ces deux écoles aux spécificités propres, l’Éducation nationale a créé et renforcé les inégalités, alors qu’elle aurait dû rechercher à préserver, développer, et valoriser cette identité rurale.
Le terme « école communale » a plus que jamais tout son sens. À l’heure où notre société est en quête de repères et rappelle ses racines profondes, l’école rurale est un modèle qui doit inspirer. Sa présence n’est pas uniquement un enjeu en termes d’éducation. Parler de l’école des champs, c’est parler de ruralité, d’aménagement du territoire et de choix de société.
On parle de l’école du village, comme on parle comme de la mairie ou de l’église.
C’est une partie structurante d’un lieu de vie. Elle est sous le regard de tous ses habitants qui vivent souvent à son rythme, notamment aux heures de récréation.
C’est bien une école de proximité qui est liée à un territoire et ses habitants. Elle est commune à tous et s’inscrit dans une Histoire passée et à venir.
Chaque maintien ou ouverture d’une classe ou d’une école est un atout, et donc une chance.
A contrario, toute fermeture est une catastrophe, un drame. Une école qui ferme, c’est un village qui se meurt.
En tant qu’élus locaux des campagnes, même proches de Paris, nous avons tous été confrontés à de telles situations. Nous nous sommes tous battus aux côtés des parents d’élèves pour éviter le pire.
À un, deux ou trois élèves près, c’est une classe qui ferme, entraînant parfois la fermeture de l’école toute entière avec toutes les conséquences désastreuses qui lui sont liées. Ce sont des enfants qui sont déracinés de leur lieu de vie habituel. Ce sont des élèves qui sont concentrés dans des cités scolaires inadaptées, avec un temps de transports scolaire qui décuple la fatigue. C’est une nouvelle organisation familiale à trouver.
Ainsi, on oublie, pour des raisons économiques, tous les avantages et bienfaits que procure cette école rurale qui est, avant tout, une école de proximité.
Le rapport sur « les inégalités à l’école » du Conseil Economique, Social et Environnemental souligne d’ailleurs que les départements en « sous réussite » scolaire sont ceux qui comptent peu d’établissements en milieu rural ou dans une ville isolée.
Cela conforte les atouts pédagogiques des petites structures, à taille humaine. Les enseignants ont la possibilité de porter une attention plus soutenue aux élèves pendant la classe et en dehors, de mieux les suivre, de mieux respecter leurs rythmes propres. Le climat général est plus apaisé. Dans une école rurale, avec des classes multi-âges, l’émulation repose beaucoup plus sur la coopération, l’entraide et les projets communs. Cette hétérogénéité est un atout pour les enfants et leur éducation citoyenne. Elle facilite l’autonomie, elle fait grandir.
L’école du village permet aussi une meilleure intégration des familles qui peuvent participer pleinement à la vie de la commune.
À tous points de vue, et dans une époque où nous recherchons du sens, du lien, cette école de nos villages a toute sa place. Elle en est même le cœur battant. Il faut arrêter cette politique d’uniformisation et d’unification contreproductive qui existe au sein de l’Education nationale.
L’école des champs n’est pas privilégiée, contrairement à ce que d’aucuns peuvent penser.
Elle a été dévalorisée. Elle est aujourd’hui en danger.
En cas d’alternance à l’occasion des élections présidentielles, il faudra lancer une politique nouvelle, différenciée pour les zones rurales, revoir les barèmes nationaux en les adaptant aux spécificités de cette école rurale, cette école de proximité.
Il n’en va pas seulement de son avenir, mais de notre avenir à tous comme celui des futures générations.
Défendre l’école rurale, c’est faire un choix de société qui dira quel avenir nous voulons pour nous et nos enfants.