Le 24 avril, le gouvernement français a transmis à la Commission européenne un projet de décret « portant interdiction de diffuser par l'intermédiaire des services électroniques d'aide à la conduite ou à la navigation tout message de nature à signaler les opérations de police dans certains périmètres et susceptible de nuire à l’efficacité des opérations de police administrative de sécurité routière ou des opérations de police judiciaire réalisées. »
Concrètement, avec une telle interdiction, les fournisseurs de dispositifs d’aide à la conduite comme Coyote, Tomtom ou Waze seront obligés de bloquer les alertes de ce type dans un périmètre pouvant atteindre 20 kilomètres et pendant 24 heures, même si les usagers de la route signalent un indicent ou un danger sur la route. En effet, les sociétés indiquent déjà qu’elles seront contraintes techniquement de supprimer toutes les alertes, quelles qu’elles soient, dans le périmètre concerné.
En l’absence de réponse de la Commission européenne, ce décret deviendrait applicable d’ici quelques mois en France.
C’est une perspective que refuse catégoriquement Franck MARLIN qui avait été à l’initiative, en 2011, de la fronde parlementaire contre la décision d’interdire les dispositifs d’aide à la conduite. À l’époque, aux côtés des usagers de la route et des associations, ils avaient obtenu gain de cause.
Rien ne justifie une telle mesure, sauf une raison : piéger les conducteurs
« Cela fait bien longtemps que ces boîtiers et applications ne se limitent pas aux radars. Elles alertent principalement sur des problèmes de sécurité routière comme un accident, des travaux, un véhicule en panne, des objets sur la chaussée, une dégradation des conditions météo,… C’est encore un mauvais procès, d’autant que ces sociétés, comme Coyote, se déjà sont engagées à couper totalement leurs services lors des alertes attentats afin de ne pas compromettre les opérations de police.
« Personne n’est dupe. Cette interdiction n’a rien à voir avec la lutte contre le terrorisme ou la criminalité organisée, comme cela est expliqué par le gouvernement dans l’exposé des motifs. C’est parfaitement hypocrite.
« À l’exception du dispositif "alerte enlèvement", bien qu’il ait parfaitement fonctionné 19 fois sur les 20 fois où il a été déclenché, ce qui relativise donc l’objectif défendu par le gouvernement, rien ne justifie une mesure d’une telle ampleur, sauf une raison : piéger les conducteurs.
« La très grande majorité des contrôles routiers se borne aux excès de vitesse, souvent là où le caractère accidentogène des lieux reste à démontrer, comme pour les radars fixes d’ailleurs. Avec 844 millions d’euros de recettes attendues en 2017 via les radars automatiques, contre 620 millions en 2012 (soit une hausse de 36 %), on voit bien que les usagers de la route représentent une manne financière… Et si vous ajoutez à cela la privatisation des radars embarqués dans des véhicules, l'Etat engrangera près de 2,2 milliards d’euros.
« Signaler un contrôle via une application ou un boîtier, comme cela se faisait avant avec les appels de phares, ne peut avoir qu’un seul effet sur les conducteurs du secteur : ils lèvent le pied, ils redoublent de vigilance. N’est-ce pas ou, devrais-je dire, est-ce que cela ne devrait pas être l’effet recherché de la sécurité et de la prévention routière ? Et la prochaine fois, que vont-ils nous inventer ? La suppression des phares ?
Déterminé à agir auprès du prochain gouvernement pour stopper cette initiative
coercitive, scandaleuse, liberticide, inutile et sournoise,
et mettre en œuvre une véritable politique de sécurité routière
« Sauf quelques messages publicitaires, l’aspect prévention a totalement disparu. Tout n’est que répression. Or, au risque de me répéter, nous voyons bien que cette politique a montré depuis longtemps ses limites avec des chiffres de la mortalité routière qui, à une exception près, ont été en hausse constante depuis trois années consécutives. Cette nouvelle interdiction est un constat d’échec.
« Rien pour la prévention, rien pour lutter contre les comportements réellement dangereux, la somnolence au volant, si peu pour l’entretien des routes alors que les infrastructures routières sont impliquées dans 40 % des accidents mortels, rien pour améliorer la formation… la sécurité routière n’est vue que par le prisme de la vitesse parce que c’est le secteur le plus rémunérateur. Ce n’est plus qu’un prétexte. Nous sommes passés de la sécurité routière à l’extorsion routière.
« En l’état actuel, je ne peux donc que m’opposer farouchement à cette interdiction, comme en 2011, et je soutiens les actions des associations comme la Ligue de défense des conducteurs ou 40 millions d’automobilistes.
« Dès son lancement, hier, j’ai évidemment signé la pétition de la Ligue contre cette mesure, qui a d’ailleurs recueilli plus de 110 000 signatures en 24 heures. C’est dire le ras-le-bol, tout à fait compréhensible, et la mobilisation des usagers de la route. Et ils peuvent compter sur moi pour agir de toutes mes forces auprès du prochain gouvernement pour stopper cette initiative coercitive, scandaleuse, liberticide, inutile et sournoise, et demander qu’une autre et véritable politique de sécurité routière, efficace et responsable, soit enfin mise en œuvre. »