La loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs a vocation à doter la justice des moyens nécessaires pour combattre efficacement la récidive, notamment lorsqu'elle concerne les infractions violentes, qui constituent une atteinte à la sécurité des personnes et des biens. Ce texte, qui répond aux attentes de Franck Marlin qui avait cosigné plusieurs propositions de lois sur ce thème lors de la précédente législature, complète la Loi n°2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance et la Loi n°2005-1549 du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales.
Elle s'articule autour de trois dispositions majeures : l'instauration de peines minimales de privation de liberté, applicable aux personnes majeures comme aux personnes mineures, l'adaptation du régime de l'atténuation de la responsabilité pénale des mineurs et l'obligation de soins pour les délinquants sexuels. A cet effet, le projet de loi apporte des garanties susceptibles de lutter efficacement contre la récidive, tout en respectant le principe constitutionnel d'individualisation de la peine, en laissant au juge le soin de prendre en compte les circonstances de l'infraction et la personnalité de l'auteur.
Le projet de loi, adopté au Sénat le 5 juillet et par l'Assemblée nationale le 26 juillet 2007, comporte dix articles.
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ETAT DES LIEUX
- Rappel des sanctions pénales existantes en matière de récidive
Lorsqu'un justiciable commet plusieurs infractions, il peut se trouver dans trois situations juridiques distinctes : la récidive légale, la réitération et le concours d'infractions.
La récidive légale,prévue aux articles 132-8 et suivants du Code pénal, est une circonstance aggravante générale : quand elle est constituée, elle aggrave la répression de l'infraction poursuivie en augmentant le maximum de la peine encourue.
La récidive légale répond à des critères très précis. Elle est constituée de deux termes : une première infraction ayant donné lieu à condamnation pénale définitive, et une seconde infraction qui peut être distincte de la première infraction ou identique à celle-ci. En outre, la récidive peut être constituée quel que soit le délai dans lequel la nouvelle infraction a été commise, ou seulement lorsque la seconde infraction a été commise dans un délai déterminé après la première condamnation.
Les règles diffèrent selon la gravité des infractions :
Nature |
Nature |
Délai |
Aggravation |
Crime ou délit puni de 10 ans d'emprisonnement. |
Crime passible |
Pas de délai |
Réclusion à perpétuité |
Crime passible |
30 ans de réclusion |
||
Délit passible |
10 ans |
Doublement de l'emprisonnement. |
|
Délit puni |
Délit passible d'un emprisonnement inférieur à 10 ans et supérieur à 1 an |
5 ans |
|
Délit identique |
5 ans |
||
Contravention de la 5e classe |
Délit réprimant les mêmes faits si la loi le prévoit |
3 ans |
Peines délictuelles |
Contravention identique |
1 an |
Amende |
La récidive se distingue du concours d'infractions (articles 132 à 132-7 du code pénal) qui vise plusieurs infractions entre lesquelles ne s'est pas intercalé un jugement définitif.
Les autres formes de répétition d'infractions relèvent de la réitération, notion consacrée par la Loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive et des infractions pénales (article 132-16-7 du code pénal). Il y a réitération lorsqu'une personne a déjà été condamnée pour un crime ou un délit et commet une nouvelle infraction ne répondant pas aux conditions de la récidive légale.
- Etat des lieux de la récidive
Conformément à l'engagement pris par Nicolas SARKOZY au cours de la campagne présidentielle, le projet de loi a vocation à renforcer notre politique pénale en matière de lutte contre la récidive, en donnant aux juges les moyens juridiques nécessaires pour dissuader les majeurs et les mineurs de réitérer les actes délictuels ou criminels pour lesquels ils ont déjà été condamnés. Il s'agit en effet d'une attente forte de la part des Français.
Lors de son audition devant la commission des Lois du Sénat, Rachida DATI, Garde des Sceaux, a ainsi rappelé que le nombre de condamnations en récidive pour les crimes et délits avait progressé de 68,5% entre 2000 et 2005 et que les crimes et délits violents avaient, eux, augmenté de 145% sur la même période.
Parallèlement, le Garde des Sceaux a indiqué que « la délinquance des mineurs est de plus en plus violente, de plus en plus fréquente, et touche des tranches d'âge de plus en plus jeunes » : 9500 mineurs ont été condamnés pour délits de violences en 2005, contre 6800 en 2000 (soit une augmentation de 39,5%) et 1560 mineurs ont été condamnés pour des délits de nature sexuelle en 2005, contre 1130 en 2000 (soit une progression de 38%).
En outre, en 2006, la part des mineurs dans le total des personnes mises en cause pour l'ensemble des crimes et délits était de 18,3%, et de 46,8% dans les cas de vols avec violence. A la lumière de ces chiffres, le Ministre a appelé de ses vœux « une loi pénale plus sévère, donc dissuasive, l'emprisonnement devenant désormais la peine de principe pour les récidivistes majeurs ou mineurs ».
Insistant sur la douleur des victimes, le Garde des Sceaux a par ailleurs rappelé la nécessité d'apporter une réponse judiciaire à la délinquance sexuelle : en France, au 1er avril 2007, la part de condamnés pour des infractions de nature sexuelle dans le nombre global de détenus s'élevait à 20 %.
A cet effet, le projet de loi comporte trois volets :
- l'instauration de peines minimales pour les récidivistes, dont le Garde des Sceaux a jugé qu'elles étaient « indispensables pour que le travail de prévention puisse s'appuyer sur la menace d'une sanction claire et précise »
- l'atténuation de la responsabilité pénale des mineurs de plus de 16 ans pour les infractions les plus graves : « 30 % des mineurs condamnés récidivent dans les cinq années qui suivent. Le sort des victimes doit nous préoccuper. Elles ne comprendraient pas que les mineurs de plus de seize ans bénéficient d'un régime de faveur bien qu'ils aient commis par trois fois des faits extrêmement graves ».
- le renforcement du suivi médical et psychiatrique des condamnés, notamment pour des crimes sexuels, dès lors qu'une expertise aura conclu à la possibilité d'un traitement.
PRINCIPALES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI
A/ Instauration de peines minimales de privation de liberté ou « peines plancher »
Les articles 1er et 2 du projet de loi prévoient des peines minimales de privation de liberté applicables dès la première récidive pour l'ensemble des crimes et pour les délits punis d'au moins 3 ans d'emprisonnement :
- En matière criminelle (article 1er):
• une peine minimale de 5 ans si le crime est puni de 15 ans de réclusion ou de détention (ex : viol)
• de 7 ans si le crime est puni de 20 ans de réclusion ou de détention (ex : torture sur mineur de 15 ans)
• de 10 ans si le crime est puni de 30 ans de réclusion ou de détention (ex : trafic international de stupéfiants en bande organisée)
• de 15 ans si le crime est puni de la réclusion ou de la détention à perpétuité (ex : assassinat)
- En matière délictuelle (article 2) :
• une peine minimale d'un an si le délit est puni de 3 ans d'emprisonnement (ex : vol simple)
• de 2 ans si le délit est puni de 5 ans d'emprisonnement (ex : vol avec violence légère)
• de 3 ans si le délit est puni de 7 ans d'emprisonnement (ex : vol avec violence et en réunion)
• de 4 ans si le délit est puni de 10 ans d'emprisonnement (ex : trafic de stupéfiants)
Ø Le Sénat a adopté deux amendements visant à exclure les sanctions éducatives du champ d'application du projet de loi, estimant que ces mesures, prononcées pour des faits de moindre gravité, ne devaient pas constituer le premier terme de la récidive légale pour un mineur (articles 1er et 2).
B/ Maintien de possibilités d'adaptation des peines minimales afin de respecter le principe constitutionnel d'individualisation des peines
Conformément aux exigences constitutionnelles, l'ensemble de ces seuils est proportionné à la gravité des infractions en cause et à la persévérance de l'auteur des crimes et délits dont témoigne l'état de récidive légale. L'application des peines minimales de privation de liberté sera donc graduée, préservant ainsi la marge d'appréciation du juge et le principe d'individualisation des peines :
-
En matière criminelle (article 1er)
Il est précisé que « la juridiction peut prononcer une peine inférieure à ces seuils en considération des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d'insertion ou de réinsertion présentées par celui-ci ».
En revanche, en cas de deuxième récidive, le texte établit clairement que « la juridiction ne peut prononcer une peine inférieure à ces seuils que si l'accusé présente des garanties exceptionnelles d'insertion ou de réinsertion ».
- En matière délictuelle (article 2)
Le texte prévoit que « la juridiction peut prononcer, par une décision spécialement motivée, une peine inférieure à ces seuils ou une peine autre que l'emprisonnement en considération des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur ou de ses garanties d'insertion ou de réinsertion ».
Font exception à cette règle les violences volontaires, les délits commis avec la circonstance aggravante de violences, les agressions ou atteintes sexuelles et les délits punis de 10 ans d'emprisonnement qui resteront passibles d'une peine d'emprisonnement.
Le juge pourra néanmoins, par décision spécialement motivée, prononcer une peine d'emprisonnement d'une durée inférieure aux seuils prévus par le texte, à condition que le prévenu présente des « garanties exceptionnelles d'insertion ou de réinsertion ».
Ø Le Sénat a adopté un amendement visant à rendre obligatoire la réalisation d'une enquête sociale dès lors que le parquet retient la circonstance aggravante de récidive légale (article 2 bis nouveau).
Ø La Haute Assemblée a par ailleurs adopté un amendement prévoyant que « lors du prononcé de la peine, le président de la juridiction avertit le condamné des conséquences qu'entraînerait une condamnation pour une nouvelle infraction commise en état de récidive légale » (article 2 ter nouveau).
*
→ Par coordination, l'article 4 du projet de loi modifie l'article 362 du code de procédure pénale en prévoyant que les nouvelles dispositions sur les peines minimales d'emprisonnement seront, en cas de récidive, portées à la connaissance des jurés d'assises pour leur permettre de choisir la peine en connaissance de cause.
C/ Adaptation du régime de l'atténuation de responsabilité pénale des mineurs (ou « excuse de minorité »)
Afin de respecter les dispositions constitutionnelles relatives à la justice des mineurs, le principe d'atténuation de la responsabilité pénale des mineurs est maintenu ; toutefois, le projet de loi adapte l'Ordonnance n°45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante afin de rendre applicable aux mineurs les dispositions du projet de loi relatives aux peines minimales :
- Clarification des circonstances dans lesquelles l'atténuation de responsabilité pourra être écartée par la juridiction de jugement (article 3) : la Loi n°2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance prévoyait que la juridiction de jugement pouvait écarter l'atténuation de responsabilité en raison de la personnalité du mineur, des circonstances, ou en cas de récidive de certains crimes ou délits. Cette décision devait être spécialement motivée par le tribunal pour enfants, sauf en cas de récidive légale.
→ Outre les violences volontaires et les agressions sexuelles, le projet de loi ajoute à la liste des délits dont la récidive permet d'écarter l'atténuation de la responsabilité pénale sans motivation les délits commis avec la circonstance aggravante de violences.
- Exclusion du régime d'atténuation des peines dans des cas strictement définis de multirécidive (article 3) : pour les mineurs de plus de 16 ans, en cas de deuxième récidive légale pour les infractions les plus graves (crime d'atteinte volontaire à la vie ou à l'intégrité physique ou psychique de la personne ; délit de violences volontaires, agressions sexuelles ; délits commis avec la circonstance aggravante de violences), l'atténuation de responsabilité pénale sera écartée.
→ Dans ces cas très précis, le seuil minimal des peines privatives de liberté ne sera pas diminué de moitié.
Pour autant, le projet de loi ne supprime pas toute appréciation de la juridiction : celle-ci pourra décider de maintenir l'atténuation à condition de le justifier :
• Lorsqu'elle sera prise par le tribunal pour enfants, cette décision devra être spécialement motivée
• Lorsqu'elle sera prise par la cour d'assises, cette décision résultera de la réponse à la question spécifique qui sera posée aux jurés : « y a-t-il lieu d'appliquer à l'accusé le bénéfice de la diminution de peine prévue à l'article 20-2 [de l'ordonnance de 1945] ? ».
D/ Instauration d'une injonction de soins pour les auteurs d'infractions graves, notamment de nature sexuelle
Le projet de loi rend obligatoire l'injonction de soins chaque fois qu'une expertise conclut qu'un traitement est possible pour les auteurs d'infractions pour lesquelles le suivi socio-judiciaire est encouru (homicide, crimes et délits sexuels, enlèvement, séquestration, pédopornographie, corruption de mineurs etc.).
Cette obligation de soins s'appliquera dans le cadre d'une peine d'emprisonnement assortie d'un sursis avec mise à l'épreuve, d'un suivi socio-judiciaire, d'une libération conditionnelle de la personne incarcérée, ou d'un placement sous surveillance judiciaire d'un prisonnier dangereux libéré.
En cas de refus de la part du condamné, des sanctions lui seront applicables (révocation du sursis, mise à exécution de la peine prévue dans la condamnation ordonnant le suivi socio-judiciaire, réincarcération après retrait des réductions de peine du condamné placé sous surveillance judiciaire et révocation de la libération conditionnelle).
Ce dispositif fera intervenir un médecin coordinateur, interface entre le juge de l'application des peines et le médecin traitant, afin d'assurer un suivi à la fois médical et judiciaire plus efficace.
A cet effet, l'article 5 du projet de loi prévoit d'aligner l'obligation de soins actuellement prévue dans le cadre du sursis avec mise à l'épreuve sur le dispositif d'injonction de soins prévu par le suivi socio-judiciaire.
L'article 6 prévoit qu'en matière de suivi socio-judiciaire, l'injonction sera de plein droit si une expertise conclut à la possibilité d'un traitement, y compris si cette expertise intervient après la condamnation. Il simplifie donc les textes actuels en évitant une double expertise.
L'article 7 pose également le principe d'une injonction de soins obligatoire en matière de surveillance judiciaire, mesure de sûreté applicable aux personnes dangereuses après l'exécution de leur peine. Celle-ci comprendra une injonction de soins si l'expert admet la possibilité de traitement du condamné.
Les articles 8 et 9 renforcent par ailleurs l'incitation faite aux condamnés de commencer un traitement pendant leur incarcération, sans attendre leur libération, en supprimant les possibilités de réductions de peine ou de libération conditionnelle pour les condamnés refusant les soins proposés en prison.
Ø Afin de préserver la marge d'appréciation du juge d'application des peines, le Sénat a toutefois adopté un amendement prévoyant que ce dernier aurait la possibilité de prendre une décision contraire, ne supprimant pas le crédit de réduction de peine de la personne condamnée (article 8).
L'article 10 du projet de loi stipule que les dispositions figurant dans la loi entreront en vigueur six mois après sa publication au JO, à l'exception des dispositions relatives à l'injonction de soins figurant au titre I de l'article 5 et à l'article 6, qui entreront en vigueur le 1er mars 2008 (clarification sénatoriale). Le titre II de l'article 5, ainsi que les articles 7 à 9, seront immédiatement applicables aux personnes exécutant une peine privative de liberté.