Bien triste moment pour la démocratie et la République à l’Assemblée Nationale hier après-midi.
Les députés auraient dû débattre uniquement de la mise en place d’une application pour traquer les Français via leurs smartphones dans le cadre de l’épidémie de coronavirus.
C’est un sujet sérieux en termes de libertés individuelles, d’éthique, d’efficacité face à l’épidémie… et une proposition à laquelle je suis fermement opposé. Le sujet mérite un vrai débat dont l’issue est incertaine. Trop incertaine au goût de M. Macron et de son gouvernement.
Pour éviter un désaveu possible, le gouvernement s’est livré samedi dernier à un véritable tripatouillage en ajoutant à l’ordre du jour d’hier le plan de déconfinement du gouvernement, apparemment si urgent à présenter.
Puis, hier après-midi même, nous avons appris que le tracking serait de nouveau dissocié de l’ordre du jour et ferait, finalement, l’objet d’un débat particulier, mais ultérieurement.
Il est vrai que la colère des députés face à ce piège perfide a été immédiate et dans tous les rangs. Vouloir nous obliger à voter tout le paquet ficelé pour ne pas avoir à discuter réellement du tracking était une manœuvre indigne, grossière et anti-démocratique qui a scandalisé beaucoup de parlementaires.
Donc une fois de plus, un pas en avant, deux pas en arrière, un pas de côté ! Un tel amateurisme fait peur. Où est la ligne ? Qui pilote l’avion, s’il y a un pilote ? En tout état de cause, l’ambiance est brouillonne dans le cockpit !
Prétextant une urgence absolue à faire valider son Plan de déconfinement, le Premier Ministre nous a donc demandé de nous prononcer.
Alors même que nous n’avions pas connaissance des mesures qu’il contenait avant de les entendre dans sa bouche. Sans avoir le temps d’analyser.
Sans pouvoir amender le projet.
Sans pouvoir apporter des propositions complémentaires, à l’instar de celles rendues publiques samedi par le groupe Les Républicains.
Après avoir entendu le Premier Ministre, on ne peut que se demander où était l’urgence de présenter aux Députés un Plan qui est aussi imprécis qu’inabouti. Mais à quoi sert donc ce vote parlementaire ?
À habiller une décision de l’exécutif, qui n’est pas finalisée, dont il devra rendre compte et qu’il a la lâcheté de ne pas vouloir assumer seul devant les Français.
Depuis 1995, je crois ne pas avoir connu de pire marque du mépris d’un gouvernement français vis-à-vis de la représentation nationale.
Je ne comprends pas comment les députés de la majorité présidentielle ont pu accepter d’être relégués au rôle de « béni-oui-oui » dont le vote est totalement vide de sens. Arrogance ? Lâcheté ? Inconséquence ? Quelle que soit leur raison, elle est extrême inquiétante pour l’avenir de la France.
Comment imaginer que la rentrée scolaire va être satisfaisante ?
Dans un texte mis en ligne samedi soir 25 avril, le conseil scientifique du gouvernement soulignait que la décision de renvoyer les enfants à l’école à partir du 11 mai est « une décision politique » et recommandait, pour sa part, d'attendre plutôt septembre.
Pourquoi le Gouvernement, qui est si prompt depuis le début de la crise sanitaire à se réfugier derrière les avis de son propre Conseil scientifique lorsque ça l’arrange, s'arc-boute t’il sur le 11 mai pour rouvrir les écoles sur la base du volontariat. Mais quels parents seront volontaires à part ceux qui n’ont vraiment pas d’autre choix ?
Les enfants pourront retourner à l’école, mais pourront-ils manger à la cantine ? Aucune information. Débrouillez-vous Mesdames et Messieurs les Maires ! Si la cantine n’est pas interdite, c’est qu’elle est autorisée.
Mais en revanche les restaurants devront rester fermés !
Comment faire confiance à ce Gouvernement qui ne nous laisse pas entrevoir le début d’une stratégie cohérente, finalisée, planifiée, claire et efficace.
Je peux comprendre qu’il faille ajuster des mesures en fonction de l’évolution de la connaissance scientifique du virus et de la situation sanitaire.
Mais connaissance scientifique veut dire qu’on écoute les avis de son propre Conseil scientifique. Ajustement ne veut pas dire naviguer à vue. Pour ajuster, il faut avoir une véritable ligne directrice, un cap.
Et tel n’est manifestement pas le cas.
J’ai donc voté contre le plan de déconfinement proposé par le gouvernement parce que je ne reconnais pas la légitimité républicaine et démocratique de cette mascarade de vote d’un plan inabouti et qui sera inapplicable et inappliqué.
Parce que M. Macron ne peut pas appeler à l’unité et à la concorde nationale contre le coronavirus et traiter la représentation nationale comme une chambre d’enregistrement à sa botte.
J’ai refusé de cautionner un plan qui ne protégera les Français ni en termes sanitaires, ni en termes économiques, et dont la seule raison d’être est de permettre à M. Macron de justifier, le moment venu, son incurie en se retranchant derrière ce vote. Il partagera la responsabilité de ce plan uniquement avec ceux qui l’ont approuvé hier.
J’ai voté contre la proposition du gouvernement parce qu’en politique il faut parfois avoir le courage de considérer qu’il n’est pas possible de s’abstenir et de laisser les autres décider.
J’aspire à un déconfinement aussi rapide que possible pour que mon Pays reprenne vie. Mais ce déconfinement, pour garantir sa réussite, au-delà des mesures techniques, logistiques et financières que nous attendons toujours, a besoin de confiance. Confiance entre les institutions et la nation, et donc confiance entre le gouvernement et la représentation nationale.
Lorsque je vois la manière dont a été gérée la crise sanitaire depuis son début, lorsque je me remémore les revirements de discours de l’exécutif vis-à-vis du port du masque par exemple, et lorsque je vois la mauvaise comédie dramatique que nous a livrée le Premier Ministre hier après-midi, je n’ai pas pu, en conscience, donner ma confiance.
J’ai donc voté contre ce plan.
Franck Marlin